LE CPE VU D'AILLEURS
Publié le par la belle au bois dormant
MERCI PATRON
D¹Allemagne : Heureusement que les Français sont là !
Les défenseurs du libéralisme expliquent que la contestation a des origines spécifiquement françaises. Ce n¹est pas faux : mener une politique de l¹emploi sans dialogue social ni débat parlementaire est spécifiquement français et autoritaire. Mais cela ne peut faire oublier que les Français se battent non seulement contre la méthode, mais aussi contre le contenu. En ce sens, ils s¹opposent à une politique européenne qui redistribue de bas en haut, annihile les conquêtes sociales et vide de sa substance le droit du travail. Alors que les changements de régime en Allemagne sont le fruit de guerres perdues ou de Mur effondré, les Français, eux, les provoquent. Dans les phases critiques, ils se souviennent des luttes passées. Le seul fait qu¹ils aient le courage de partir seuls à la bataille mérite l¹admiration. S¹ils n¹existaient pas, il faudrait les inventer. Dommage qu¹ils soient encore isolés.
DE LA PRÉCARITÉ ET DU MODÈLE FRANÇAIS - De Grèce : Grâce à vous, étudiants français
Dominique de Villepin a son sosie ici, en Grèce. La mesure proposée en France, qui favorise les licenciements non motivés, a été votée par l¹Assemblée nationale grecque à l¹été 2005. Personne n¹a alors réagi, mais la précarité était installée. Aujourd¹hui, les étudiants français envoient un message qui traverse les frontières et s¹adresse à nos dirigeants qui prévoient de mettre en ¦uvre une politique de rigueur néolibérale. Pour les étudiants grecs, le climat social justifie une contestation générale. Les jeunes veulent s¹appuyer sur l¹initiative française pour demander le retrait des mesures draconiennes de diminution du coût des heures supplémentaires et d¹extension des horaires de travail qui ont précédé la réforme. Les étudiants ont déserté les universités ces jours derniers, et un appel à manifester a été lancé pour le 23 mars. Grâce au message des Français, les jeunes Grecs se sentent prêts à lutter à leur tour contre les manigances des politiques sur le plan social. Le gouvernement grec craint à présent une grande mobilisation des travailleurs et des étudiants. Il a d¹ailleurs pris ses distances avec M. Kyriakopoulos, le président des industriels de Grèce, qui a provoqué un tollé en apportant son soutien au Premier ministre français, ce qui lui vaut depuis le surnom d¹³Odysseas de Villepin². Plus qu¹une inquiétude pour la précarité, les étudiants grecs se mobilisent pour leur avenir. Ils envisagent même de porter l¹affaire devant l¹Union européenne et demandent pour cela le soutien des autres pays européens.
D¹Espagne : Trahison
Les derniers événements viennent confirmer les pires soupçons que l¹on avait sur l¹étape finale de la présidence de Chirac. Une étape qui a débuté par l¹immense fiasco du rejet de la Constitution européenne, s¹est poursuivie avec la vague de violence dans les banlieues à l¹automne dernier et commence maintenant à ressembler à une agonie. Chirac a entraîné Villepin dans ses contradictions. En tentant de faire passer une loi qui facilite soi-disant l¹accès des moins de 26 ans au premier emploi mais permet aux employeurs de licencier sans motif, le président et le Premier ministre trahissent, aux yeux de larges pans de la population, un modèle social français dont ils disaient vouloir assurer la défense et la continuité.
VU DU PORTUGAL - Tant de motifs pour aller crier dans la rue
La jeune psychologue portugaise Joana Amaral Dias, choquée par le mépris dans lequel on tient les jeunes, se place résolument dans leur camp.
Crédits étudiants, tarifs réduits, Cartes jeunes une kyrielle de privilèges ! Pour les partisans du marché, le torrent humain qui a investi les rues françaises ne comprend pas que le CPE, qui permet le licenciement sans motif des moins de 26 ans pendant leurs deux premières années de travail, est une aubaine. C¹est la solution au chômage des jeunes.
Et les commentateurs n¹ont pas manqué qui ont devisé sur l¹utopie et l¹ignorance de ces Français : s¹ils lisaient les journaux, ils verraient que, sans le CPE, ils n¹auront pas de travail du tout, ils comprendraient qu¹on va combattre le chômage en créant plus de chômage.
Ces partisans du CPE ne doivent pas avoir lu, cependant, les divers rapports montrant que cette mesure ne fera qu¹augmenter le chômage des jeunes et ne contribuera d¹aucune façon à en combattre les causes. Et, quand ils les ont lus, ils en concluent qu¹on devrait l¹appliquer à tous. Tous, jeunes et vieux, devraient être sujets au licenciement non motivé. Au moins les choses seraient claires
Ce que les anti-CPE contestent, c¹est cette scission entre les âges qui n¹octroie de droits qu¹aux plus de 26 ans. Mais leur contestation est aussi une lutte contre la légitimation du fossé entre les générations, contre la précarisation du travail, contre la discrimination et l¹individualisme. Le CPE ne valorise ni le mérite ni l¹efficacité. Il s¹en remet au libre-arbitre d¹un quelconque patron. Cette vague de contestation s¹appuie, évidemment, sur un questionnement social de fond, plus ample. C¹est l¹exclusivité du marché que l¹on interroge ici ; et ce sont de nouveaux intérêts publics qui se dessinent. C¹est bien pour cela que l¹alliance des jeunes et des syndicats a pu jouer et que la solidarité a pu s¹opposer à cette mesure de capitalisme sauvage. Le CPE est une attaque contre les attentes des jeunes, contre la possibilité de voir leurs projets se réaliser. Bien sûr, ceux qui beaucoup sont d¹anciens soixante-huitards applaudissent au CPE diront que les jeunes sont d¹irresponsables enfants gâtés : ils restent chez leurs parents jusqu¹à 30 ans, n¹ont d¹enfants qu¹après 35 ans, etc. Franchement, ça donne envie de sortir dans la rue et de crier.